lundi 24 mai 2010

La formation du paysage

Dans les jeunes heures du jour, loin d'être repue de sommeil, j'ai feuilleté un album photo parmi ceux qui dorment à mon chevet.
De cette incursion dans le passé, je retiendrai seulement qu'il m'allait bien d'être un oiseau un jour de juillet 1995.

Plus tard, j'ai transporté mon livre sur la terrasse et en ai corné encore quelques pages.
"Temps passé à côté du temps, en dépôt, en retrait de toute narration, fiché dans la brutalité la plus suave - un coin du monde, très beau, et des pas qui résonnent. Ce que je faisais là-bas, à Olonne, c'était cela, essayer de résonner ainsi, passer à côté du temps pour le sentir passer, inénarrable et pur. Mais en retournant là-bas, par un geste coutumier de la mémoire, je ne puis que remuer les jonchées de traces et de débris qui malgré moi m'appartiennent et dont on dit absurdement que le temps les roule. "Dehors" demeure la fiction que je cherche à rejoindre. Il me semble que tout le mystère tient dans la possibilité de ce passage hors de soi, conscience ventilée, selon laquelle le séjour par instants parvient à s'atteindre, résonance intégrale qui n'est pourtant rien de plus que le déplacement d'une ombre."
Jean-Christophe Bailly. Description d'Olonne.

Et j'en ai copié quelques mots dans mon journal, pour qu'ils accompagnent mes jours prochains.
"Je puis dire avec certitude qu'à Olonne tout fut pendant quelque temps précis comme la réponse d'une lame s'enfonçant dans le cerveau."

Puis, à l'heure la plus chaude de la linière, piochant dans ma bibliothèque, j'y ai trouvé le volume auquel fait écho cette lecture en cours.
Une carte de visite ancienne du vice-consul de France marque encore la page 61 du Poésie/Gallimard de Maurice Scève.
Le vers qui justifie mon achat du 26 juin 1992 me fait toujours battre le coeur.

1 commentaire:

  1. Jean-Christophe Bailly enseigne l'histoire de la formation du paysage.

    La description d'Olonne a été publiée en 1992, l'année où j'ai acheté Délie (objet de plus haute vertu) de Maurice Scève.

    Il écrit aussi :
    « Produire du style, du lyrisme quand on a du métier, rien de plus simple. Empêcher l'archet de vibrer pour faire joli, c'est moins facile que de faire le virtuose. Et quand un écrivain se met à aimer ce qu'il écrit c'est terrible… Le but, c'est d'arriver à un objet compact et repérable. Que les gens puissent se situer par rapport à lui et que le texte devienne un ami, un espace de confidence. Moi, lecteur, j'attends qu'un livre m'aide : à être plus ouvert, par exemple… En tant qu'écrivain, j'ai parfois l'impression que rien n'a bougé depuis les scribes, je fais comme eux : j'inscris. »

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