samedi 4 septembre 2010

L'âge des possibles

Ce 5 mars
Mademoiselle, 
merci pour votre lettre à laquelle j'ai été longue à répondre mais je ne voulais pas le faire de façon trop administrative ni désinvolte. Cela demande du temps. 
La graphologie est un très bon métier pour une femme car il lui permet de concilier une vie professionnelle avec une vie familiale. C'est un métier où l'on apprend tous les jours : aussi ne s'en lasse-t-on pas. La qualité d'un graphologue tient plus à ce qu'il est qu'à ce qu'il sait. Il y a en effet une technique que l'on acquiert en 5 années d'études sanctionnées par les diplômes de la Société française de graphologie puis des graphologues-conseils de France. Mais dès l'instant que l'on appréhende d'autres êtres dans leur individualité toujours originale, cela implique un grand respect et un effort sur soi-même afin d'essayer de comprendre sans projeter sur les autres ses propres problèmes et ses propres sentiments. 
Il y a une limite d'âge, à savoir qu'il faut avoir au moins 23 ans pour se présenter au 1er diplôme ! Vous avez donc encore du temps devant vous. Tâchez de l'utiliser de la manière la plus enrichissante possible. 
Cherchez à acquérir des connaissances dans des domaines variés qui vous intéressent et accordez-vous des temps de réflexion pour mûrir votre expérience et trouver un équilibre de personnalité et de vie qui vous permette d'utiliser au mieux toutes les richesses que vous avez en vous ! 
Bonne chance ! 
F. Desazars. 
Je me demande toujours ce que sont devenus les destinataires des correspondances que je m'approprie. 
Je n'avais pas envie de la croire morte, ma voisine un peu lointaine et inconnue, le soir où je ramassai une poignée de ses lettres, échappées d'un grand sac poubelle et éparpillées sur le trottoir de la rue Lamartine. 
Par une carte d'anniversaire, j'appris qu'elle était mon aînée de quelques années et j'étais plutôt tentée de penser qu'elle s'était fâchée avec son jeune passé ou qu'elle n'avait pas un tempérament à conserver tout son courrier comme je le faisais à l'époque.
J'ai jeté certaines de mes lettres mais toujours gardé les siennes, je ne sais pas bien pourquoi. 

Elle n'est pas morte, non. Je le sais à présent. 
Elle n'est pas graphologue non plus. 
Mais elle n'a pas laissé tous ses possibles en friche : 
elle est devenue peintre.

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