jeudi 9 décembre 2010

Loup, définitivement,

Dans les escaliers et même après la clé tournée dans la serrure, j'ai gardé mes écouteurs.
J'ai laissé mon sac s'allonger sur le sol, à côté de mes chaussures et lancé mes gants en vrac, quelque part.
J'ai tourné le bouton du thermostat, rempli la bouilloire.
La chanson qui s'accordait si bien avec la marche du retour a laissé place à une autre, plus intimiste, intérieure.
En dehors de moi, il y avait le silence, la solitude de l'appartement, comme si je n'étais toujours pas rentrée.
J'ai poussé un peu la vaisselle, dans l'évier, pour rincer la théière, ouvert quelques boîtes, pour sentir, pour vérifier, alors que je savais parfaitement à l'avance quelle fragrance j'avais envie de verser dans ma tasse.
Et c'est dans la banale mais si douce ordonnance de ces gestes si répétés, si quotidiens, si usés, c'est dans la minuscule liberté de choisir de rentrer me faire un thé, quelle que soit l'heure... C'est exactement à cet instant que m'est revenue la fable, l'histoire du chien, au cou pelé.

2 commentaires:

gwendoline a dit…

Le Loup et le Chien

Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

Jean de la Fontaine

Simon Melmoth a dit…

après le café, te voilà citant La Fontaine !!! eh bien..