mercredi 10 novembre 2010

Précis de topographie 36


... Et puis, parfois, c'est sans quitter mon lit que je révise la topographie de quelques 
paysages 
connus par coeur...
"Il n'y avait donc que cette brise, qui passait de temps à autre, et puis deux distributeurs automatiques de boissons délabrés, installés, ou plutôt abandonnés, côte à côte, dont les aguichantes lentilles clignotaient à droite du bâtiment de la gare, pour vous inviter à boire un thé vert, chaud ou glacé, un chocolat, chaud ou glacé, une soupe d'algues chaude ou un miso glacé, l'une des machines clignotaient en rouge, indiquant le chaud, l'autre, en bleu, signalait le froid, faites votre choix puis appuyez sur le bouton, disaient les touches du distributeur; et puis il y avait cette brise, tiède, douce, veloutée, pour s'assurer que tout serait vraiment impeccablement propre."
Laszlo Krasznahorkai. Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par des chemins, à l'est par un cours d'eau
"Avec ses quelques perles d'électricité autour du cou, la place Sainte-Catherine dormait dans la nuit. C'était l'ancien port de Bruxelles. Une fontaine rectangulaire imite un bout de canal. On dirait aussi une dalle funéraire. C'était pour moi la frontière de Bruxelles. Nous nous sommes arrêtés. 
Nous étions quai du Bois-à-Brûler. Cette dénomination prête à sourire; car de fleuve ou de canal, il n'y en avait pas, il n'y en avait plus depuis longtemps et rien n'est plus absurde, en apparence, que de nommer quai deux rues parallèles encadrant une place et une fontaine. Et cette fontaine elle-même est ridicule, qui imite rectangulairement l'ancien canal et qui est asséchée piteusement en hiver. Mais c'est Bruxelles et rien ne rend mieux compte, peut-être, de ce qu'est cette ville : des noms qui tiennent sur plus rien, qui subsistent, hétéroclites et concrets, départis pour jamais de ce qu'ils désignaient, encore bruissant d'une vie désormais absente, menant une existence autonome et absurde. Parce qu'il n'y a plus de canal, ni de port, que l'on n'y décharge plus le bois de chauffage ou les briques."
Vincent Delecroix. Retour à Bruxelles

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