lundi 24 octobre 2011

Ce livre est de saison. 
Ou bien se souvient-il de sa vie d'arbre.
ai-je pensé en constatant qu'il perdait ses pages au fur et à mesure que je les lisais. 

Ce livre a eu une vie avant moi. Une vie volage aux lecteurs infidèles.
Une vie de rendez-vous. Une vie de carnet de bal.

09 SEPT. 1991
19 NOV. 1991
05 MARS 1992
18 AVR. 1992
06 OCT. 1992
08 JAN. 1995

La page 39 s'est cornée avec tant de docilité que je ne devais pas être la première à l'avoir fait.
Et c'était comme, dans le papier, découvrir le fossile d'un geste.
"Parfois une espèce de doute, naturellement, me vient : à quoi sert-il d'avoir lu des livres ? Ce qui s'ouvre dans la tête et l'esprit d'un homme, dans son âme, ne dépend pas seulement des livres qu'il a lus. 
Sans doute. 
Cependant, l'homme qui, au sein de notre culture, n'a pas lu de livres, ne s'est pas habitué aux livres, habitué à ce que la vie soit doublée par les livres, cet homme-là se voit réduit à ses propres armes et à celles de l'expérience singulière pour affronter le péril du monde. Il ne peut compter, pour sortir de soi et du triste enfermement de l'existence privée, que sur la chance d'une rencontre, la grâce d'un événement transcendant. Et encore : car ce sont des livres qui l'aideraient à en reconnaître la venue, à en goûter le prix. Ce qu'on peut atteindre par un rare et puissant effort, toujours solitaire, la médiation des livres nous l'accorde, inépuisablement. Mieux encore : avec les livres, ce sont d'autres hommes qui nous offrent le moyen d'être homme, c'est-à-dire soi-même, véritablement, dans la communauté partagée." 
Danièle Sallenave. Le don des morts. Sur la littérature.

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