Lire en terrasse, face à la ville
et lever les yeux.
Mais ce sont autant de personnages
-d'autres personnages-
ceux qui
sur le trottoir
mordent dans un sandwich, s'embrassent, se croisent sans se voir, examinent le plan de la ville, éclatent de rire au même moment, refont leur lacet, boivent à la paille une boisson colorée, vérifient fugitivement leur reflet dans une vitrine, s'enlacent (...)
et dont la vie n'est
ni plus
ni moins
passionnante qu'un roman
car
on le sait bien
en matière
de vie
tout dépend du talent de l'auteur.
La lecture prit chez lui des allures de défi. Il releva ainsi les titres des ouvrages qu'il avait lus dans la semaine, le nombre de pages et le temps consacré à la lecture.
"Soleil au zénith, 165 pages, 5 heures 16 minutes.
Mithridate, 96 pages, 4 heures 32 minutes.
Le Géranium et sa culture, 70 pages, 2 heures 10 minutes."
Il se faisait un devoir de ne sauter aucun passage : certains livres l'occupaient ainsi plusieurs jours. Il me demandait alors d'éclaircir pour lui quelques tournures difficiles ou bien il s'adressait à un spécialiste. Néanmoins certains développements longs et complexes pouvaient lui échapper partiellement mais, en tout cas, il mettait un point d'honneur à élucider -et à noter- sur un carnet à cet usage- chaque mot qui posait problème.
En dépit de ces aléas, son record était de dix-sept livres par semaine; il espérait bien l'améliorer. Il dénombrait aussi les auditions de disques. D'une manière générale, Mell Fellops nombrait, évaluait, comptait tout : ses livres donc, mais aussi ses toasts, ses cigarettes, ses tours de roues, les mouettes, les pilotis qui soutiennent les pontons de bois, les fautes d'orthographe de ses correspondants. Il s'efforçait à rendre ses lectures plus homogènes mais, je lui en fis la remarque, sans résultat. L'accumulation l'intéressait trop.
Jean-Marc Aubert. Aménagements successifs d'un jardin, à C..., en Bourgogne.
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