dimanche 18 décembre 2011

La vie voyageuse (en Yamanote)

 La ligne Yamanote (山手線) est une ligne ferroviaire circulaire qui délimite officieusement le centre de Tokyo. Elle comporte 29 stations et le temps de parcours total est d'environ une heure. Ses trains sont de couleur acier avec des bandes vertes. Chaque jour, une moyenne de 3,55 millions de passagers empruntent la ligne Yamanote. Les trains circulent de 4h30 du matin à 1h20 avec une cadence d'un train toutes les deux minutes aux heures de pointes. Une boucle complète nécessite entre 58 et 59 minutes.

AKIHABARA
Ensemble, ils ont vécu les premières fois. 

La découverte de la ville, ce jeu de construction invraisemblable et infini derrière la vitre du bus en sortant de l'avion. 
Le goût surprenant du thé vert presque glacé du distributeur au bout de l'impasse. 
Le parfum des tatamis gorgés d'humidité. 
Le chant assourdissant des cigales qui ne s'interrompt que quelques heures par nuit. 
Les restaurants en analphabètes et les conversations tâtonnantes avec les commerçants du quartier. 
Les lessives étendues sur les barres à futon du balcon. 
La mélodie qui, dans chaque gare, prévient de l'arrivée des trains de la Yamanote.
Les cris des vendeurs amplifiés par les mégaphones dans les allées des grands magasins. 
Les distances irraisonnables à vélo. 
Le fatras des fils électriques qui surplombent les ruelles minuscules. 
Les gants blancs des chauffeurs de taxi. 
Le ciel bleu immuable des matins d'été. 
L'arrivée précoce de la nuit. 
L'élasticité du mochi, les fils du natto, l'ivresse que procure l'alcool de prunes. 
Les glaces au cheese-cake dans le distributeur devant la piscine. 
La queue cassée des chats de la rue. 
La pluie incessante pendant trois jours d'affilée. 
Et le jour où, à Akihabara, ils ont eu l'impression de pénétrer dans le décor que, toujours, ils avaient vu sur les photos. 

A présent, ils transportent un pique-nique au parc, se retrouvent au salon de thé de Takadanobaba. 
Il lui apporte de la lecture, de la musique. Elle continue à lui dire qu'il mange trop vite. 
Aux premières heures des marchés aux puces, elle choisit quelques clichés, il repart avec des stylos plumes. 
Ils s'échangent les adresses précieuses où les livres sont dans leur langue et sont bon marché. Ils s'y croisent parfois, sans même s'y être donné rendez-vous. 

Ils ont en commun de ne pas s'enraciner et un jour ils partiront c'est sûr, ils iront ailleurs. Ailleurs mais où ?

De leur prochaine destination, ils ne connaissent pas le nom. Ils savent seulement qu'ils n'y vivront pas ensemble les premières fois.

Aucun commentaire: