lundi 1 août 2011

Quelques circonstances

Le premier jour de faim est aussi celui du retour de l'été. 
Alors le matin est alangui, le marché longtemps endormi, la vie ralentie. 
S'asseyant quelques instants auprès de la petite fille qui, plus tôt, avait claironné son nouvel âge -celui de raison- qu'elle irait célébrer à la foire, il me dit bonjour, m'appelant pour la première fois par mon prénom -alors même que j'ignorais qu'il le connaissait. 
Ma vie à la ville tient du village. 
Une vie de campagne.
 "Il était seul dans son bureau, Cavin faisait des courses. Un chat traversa la place; et on le vit à l'autre bout qui se couchait sur le trottoir devant la charcuterie. Les boutiques avaient baissé leurs stores de coutil; l'horloge craquait par moment. Au mois d'août, beaucoup de personnes sont à la campagne. C'est le temps où les ombres tournent toutes seules, le long du jour, sur les pavés. On fait l'obscurité dans les chambres, on attend le soir pour sortir. 
Jamais la place n'avait été si vide. C'est qu'aussi beaucoup de personnes étaient fatiguées, ayant dansé et ri la veille. Il y avait des restes de la fête; l'arc de triomphe à côté de l'hôtel de ville n'était pas encore démoli; mais à cause de la grande pluie, il était tout fané, ruiné; l'écriteau déchiré pendait, la charpente perçait sous les branches arrachées. Et la même phrase revenant en lui, elle prenait un autre ton : 
"J'aurais dû laisser partir cette fille."
C.F. Ramuz. Les circonstances de la vie

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