"un vol d'oiseaux passe au-dessus du champ fauché, l'un après l'autre ils retournent dans la forêt, l'automne approche.
mais vous n'espérez quand même pas avoir pour le prix une description du paysage ! nous ne sommes pas au cinéma."
Elfriede Jelinek. Les amantes.
CHAPITRE I : les inconnus
-car je ne les connais pas, ces jeunes filles qui ont reçu les cartes qu'il a choisies pour elles puis écrites chez moi avant de les poster, rue du Midi.
-les gens en maillot qui secouent leur serviette ou discutent en bronzant, sans savoir qu'ils sont sur tes photos de vacances.
-celles qui, à la table voisine, révèlent leur nationalité en demandant un
café allongé.
CHAPITRE II :
"Les animaux qui nous donnent la laine sont le mouton, la chèvre et le pingouin.
Le lapin est un animal craintif et nourrissant.
La marmotte est un petit animal qui, pendant tout l'hiver, prend sa température avec son nez.
Le morse est un animal très intelligent qui communique par signes au moyen d'une espèce d'alphabet.
L'écureuil est un animal, avec une belle queue en panache, comme les mousquetaires.
Les rennes se nourrissent de nickel.
La chauve-souris est carnivore parce qu'elle mange des incestes.
Le rat est un rongeur comme le cancer.
En Afrique, certains animaux sont sauvages comme nous.
La forme la plus élevée de la vie animale est la girafe.
La grenouille fait partie de la famille des capétiens. C'est un têtard qui a perdu sa queue en devenant adultère.
Le têtard respire dans l'eau par des branchies tandis que la grenouille respire par ses poumons ou sa queue comme un être humain.
La vipère a un V sur sa tête, tandis que la couleuvre a un C.
Le hérisson, le crapaud et l'hirondelle aident le jardinier à manger les insectes.
L'escargot est à la fois mâle et femelle, mais il ne peut pas en profiter"
Jean-Charles. La foire aux cancres.
CHAPITRE III : La maison des rêves
Dans mon carnet, elle écrit
le rêve qu'elle a fait dans mon lit.
J'ai rêvé que mon père ressuscitait
et que ma mère accouchait
seule à la maison
(elle était plus jeune que maintenant !).
Ensuite, j'assistais à une réunion où une femme
se déguisait pour en remplacer une autre.
"Au pied de l'escalier, tendant le bras, il lui mit sa main gauche ouverte sous les yeux.
C'est elle qui a gardé de toi la meilleure mémoire.
Des deux mains, le geste tendre, elle porta la main de Shimamura contre sa joue en l'y appuyant doucement."
Yasunari Kawabata. Pays de neige.
*à écouter sur France Culture
CHAPITRE V :
CHAPITRE VI :
L'affranchissement a été fait par vignette -centrée, en bas- au tarif LETTRE PRIORITAIRE INTERNATIONALE et le cachet porte la date du 24-8 2011.
L'adresse est écrite au feutre noir -medium- sur un papier quadrillé déchiré irrégulièrement, collé sur la partie supérieure du paquet.
Au-dessus de l'adresse, écrite directement sur le papier d'emballage, la mention :
à ouvrir le 5 septembre.
CHAPITRE VII :
L'histoire des boucles d'oreille.
"Ignorant tout de la médecine, elle a utilisé de réels schémas savants mais, en guise de légendes, y a inscrit des noms de sentiments.
Elle a intitulé cette série d'illustrations : Les cellules sentimentales."
CHAPITRE VIII :
"paula se traîne jusqu'à la localité voisine, une ville pour ainsi dire, et où l'on peut par conséquent apprendre un métier qui, éventuellement, peut changer toute une vie : la couture.
dans la localité voisine, on apprend aussi des choses inutiles qui risquent de vous mener sur la mauvaise pente : on apprend à fréquenter cinémas et cafés.
paula a souvent été mise en garde contre ces deux fléaux.
c'est si beau de s'asseoir dans un café.
ça vous donne la sensation d'être venu au monde pour vivre quelque chose de beau. alors qu'on est venu au monde pour vivre une vie qui n'a rien de beau : une vie qui n'est pas la vraie vie, pleine de travaux ménagers dont on ne se dépêtre plus si par erreur on y met la main."
Elfriede Jelinek. Les amantes.
CHAPITRE IX : le marque-page
Une photo n&b, d'une dimension de 12cm sur 7,5cm.
Au centre d'un cadre blanc d'environ 1cm de large, le cliché représente la mer.
La ligne d'horizon coupe l'image au dernier tiers inférieur. La mer est basse, les vagues produisent beaucoup d'écume. Une large bande de sable est encore très humide bien que le ressac n'y parvienne plus.
On devine que le ciel est gris et on y voit quelques nuages.
Ce n'est pas l'été et les cinq personnes présentes portent toutes des vêtements peu appropriés à la situation. Les hommes sont en costumes, les femmes en robes -l'une sombre, l'autre claire- désordonnés par le vent.
Un homme marche sur le sable mouillé, il se dirige vers la gauche de la photo.
Un autre homme est entré dans l'eau. Il a de l'eau jusqu'aux chevilles et s'avance frontalement vers les vagues. On peut imaginer qu'il a retiré ses chaussures bien qu'on ne les voie nulle part. Il a retroussé son pantalon au-dessus de ses genoux.
Deux femmes sont penchées vers le sable, tournées vers la droite du cliché. L'une -partiellement cachée par la première- sur le sable humide. L'autre sur le sable sec, tend la main vers le sol, dans le geste de ramasser quelque chose.
Au tout premier plan de la photo, dans l'angle gauche, on peut voir la tête et le haut du buste d'un enfant auquel le photographe n'a vraisemblablement pas fait attention lors de la prise de vue* : lui aussi est penché vers le sable. Hormis ses cheveux plus foncés, le ton de ses vêtements le fait se confondre avec le sable.
Sur la ligne d'horizon : trois bateaux. Un ferry, presque au centre de la photo. Un cargo plus à gauche. Un troisième navire, encore plus à gauche, est trop éloigné et trop flou pour qu'on puisse vraiment le distinguer.
Dans le ciel, comme une tache noire : un oiseau.
*L'objet interposé
Se concentrer sur le sujet sans prêter attention au reste (dans ce cas le premier plan).
Thomas Lélu. Manuel de la photo ratée.
CHAPITRE X :
"Il y avait, non loin, une minuscule pâtisserie où acheter les meilleurs bavarois-framboise du pays et peut-être de la terre entière. Accepterais-je, un jour, de partager un bavarois(1)-framboise avec lui ?
-Dites oui, cria-t-il, le visage illuminé.
De ma réponse dépendait sa vie entière, et même, si elle existe, la vie après la mort."
Caroline Lamarche. Lettres du pays froid.
1) CRÈME BAVAROISE PARFAIT AMOUR
Mélangez 2 tasses de sucre avec 8 jaunes d'oeufs jusqu'à ce qu'ils prennent une couleur jaune citron. Ajoutez lentement 2 tasses de lait préalablement chauffé avec 6 clous de girofle. Mettez dans une casserole à feu très doux. Tournez avec une cuillère en bois, toujours dans le même sens, jusqu'à épaississement. Ne laissez pas bouillir. Retirez du feu et versez sur une demi-cuillerée à soupe de gélatine en poudre, préalablement trempée dans un quart de tasse d'eau froide pendant 5 minutes. Tournez, toujours dans le même sens, jusqu'à ce que la gélatine soit complètement dissoute, puis passez la préparation et laissez-la refroidir en remuant de temps en temps. Ensuite, mélangez avec 3 tasses de crème fouettée additionnée de 2 zestes de citron râpés. Versez dans un moule légèrement huilé, mettez au réfrigérateur pendant 4 heures. Démoulez sur un plat de service. On peut parfumer cette crème avec de la purée de fruit. Deux tasses et demie de purée et une cuillerée à soupe de jus de citron, mélangés avec une demi-tasse de sucre à glacer.
on peut utiliser la même recette pour une crème au chocolat, en faisant fondre 100g de chocolat dans le lait; et pour une crème au café, en remplaçant les 2 tasses de lait par 2 tasses de café fort.
Le livre de cuisine d'Alice Toklas