La ligne Yamanote (山手線) est une ligne ferroviaire circulaire qui délimite officieusement le centre de Tokyo. Elle comporte 29 stations et le temps de parcours total est d'environ une heure. Ses trains sont de couleur acier avec des bandes vertes. Chaque jour, une moyenne de 3,55 millions de passagers empruntent la ligne Yamanote. Les trains circulent de 4h30 du matin à 1h20 avec une cadence d'un train toutes les deux minutes aux heures de pointes. Une boucle complète nécessite entre 58 et 59 minutes
SHINJUKU
(pour P. qui voyage)
C’est l’heure où
la rue appartient aux taxis, où les silhouettes s’agitent en contre-jour et en
rythme dans les étages vitrés des karaokés, où les musiciens s’installent sous
les écrans géants et transforment les publicités en clips permanents.
C’est l’heure où
les couleurs bruyantes et clignotantes des enseignes, où l’énergie de la ville
survoltée coule dans ses veines comme un mélange vitaminé.
C’est l’heure où
elle ne se résout pas, pas encore, à mettre un terme à sa journée.
C’est l’heure
des stands de soupe nomades où l’alcool de patate douce rend joyeux, où on rit
avant l’ivresse, avant l’oubli.
Alors elle
s’assied sur le tabouret bancal et dilue sa fatigue dans les gorgées de bière,
dans les cuillères de nouilles brûlantes.
Il raconte sa
vie sur l’île. Elle dit C’est drôle, j’y suis née ! Il raconte les plages, les voyages à proximité, le
travail aussi. Et puis cette envie, soudain, de revenir ici. La liberté de ses
journées avant l’heure de monter son stand, installer les tréteaux, faire
mijoter l’oden, faire cuire les
ramens, brancher les lampions.
Il dit Tous
les jours sauf mardi et elle l’entend comme
Revenez quand vous voulez.
Plus tard, ils
sont trois et en costume. La bière lui est offerte, les conversations sont
faciles et gaies.
Les rencontres
sont éphémères même si, l’espace d’une soirée, elle se dit qu’elle en ferait
volontiers une habitude.
Mais c’est
l’heure du retour car oui, il faut rentrer.
A la gare, les
groupes se disloquent bruyamment, les mains s’agitent, Bye bye, à demain, à
bientôt…
Ils se pressent
et s’entassent par centaines dans le dernier train, le souffle alcoolisé, les
yeux fatigués, le corps lourd au bout de leurs mains agrippées aux poignées.
A l’heure du
retour, elle voyage en apnée. Les yeux fermés, elle sourit et se dit C’était
une belle journée.